À l’occasion du festival Hip Opsession à Nantes, le 23 a ouvert ses portes au public le 9 octobre 2020 pour la projection du webdocumentaire « 75e Session, la famille du dojo » en présence de la réalisatrice Yveline Ruaud et de Sheldon, artiste de la 75e session.
La série vidéo retrace l’histoire du collectif de rappeur·euse·s parisien·ne·s dont Sheldon, M Le Maudit, Sanka ou encore Hash24 font partis. En tout, 5 épisodes illustrés d’archives, de clips et d’images filmées au Dojo, rythmés sur une musique originale composée par les beatmakers de 75e session. Nous avons échangé avec Yveline Ruaud et Sheldon au sujet de la réalisation du webdocumentaire.
De quelle manière a-t-il été construit ? Comment une relation de confiance s’est installée entre les différent·e·s collaborateur·rice·s ? Quelle est la place qu’occupe chacun·e d’entre eux·elles ?
Réalisé par Justine Nguyen
Au début du projet en 2018, Yveline Ruaud est allée au Dojo. Elle a trouvé le lieu intéressant et a fait un premier jet d’écriture. En passant du temps à échanger avec le collectif sur le rap et la musique, des connexions se sont faites assez facilement puis elle a commencé à filmer des images d’illustration. Au fur et à mesure, les contours du webdoc se sont précisés.
Y - Je savais que j’allais faire des interviews mais je ne savais pas quel contenu, quelles questions j’allais poser. Sur mon autre docu, j’avais fait le choix d’une voix off. Et là, c’était quelque chose que je ne voulais pas refaire pour ce docu-là et leur laisser complètement la parole en fait et construire l’histoire à travers leur parole à eux. Et sur les choix que j’avais fait au départ, on était déjà sur des épisodes, mais on était sur des épisodes qui étaient structurés de manière très différentes, qui étaient plutôt par projet ou qui allaient être sur un clip, un album ou sur des manières de travailler. Et finalement, en découvrant l’histoire du collectif, j’ai opté pour une narration chronologique parce qu’il y avait des étapes très structurantes dans le collectif et c’était plus évident comme ça.
Entre les images d’archive et du quotidien, Yveline Ruaud a choisi de réaliser des interviews « au feeling » comme elle aime bien faire. Avec les grandes lignes en tête, elle a mené l’échange en fonction des réponses des gens. Un travail autant sur le fond - quels sujets aborder - que sur la forme - comment le présenter de manière visuelle. Certaines personnes interviewées ont choisi de ne pas montrer leur visage, Yveline Ruaud et Sheldon expliquent.
Captures d’écran - Épisode 1 : Genesis I « 75e session, la famille du dojo »
Y - Ça c’est l’identité du collectif. Si tu veux dans la toute première génération de la 75e session, il y en a beaucoup qui faisaient le choix de ne pas se montrer. Il y avait cette notion : « On est un nom, on est une équipe et on porte ce qu’on fait en ce nom collectif ». T’as des artistes emblématiques qui l’ont poussé très loin. Sheldon, on le voit très peu. Il se cache pas mais choisi de ne pas se mettre en avant. Et ça si tu fais un docu sur la 75e session, t’es obligé en fait.
" Si tu veux dans la toute première génération de la 75e session, il y en a beaucoup qui faisait le choix de ne pas se montrer. Il y avait cette notion : « On est un nom, on est une équipe et on porte ce qu’on fait en ce nom collectif ». " - Yveline Ruaud
S - T’es obligé parce que c’est un mantra de base de la 75e session, c’est qu’on a envie d’être regardé pour ce que l’on fait et pas pour ce que l’on est, tu vois. Ça n’empêche pas qu’il y ait des gens qui se montrent, qui on envie de se montrer dans les clips, qui aiment bien se saper, qui aiment bien être vu, c’est pas incompatible pour moi. Ce qui est important, c’est que les gens qui n’ont pas envie de le faire, puissent exister sans le faire. Ce qui est important pour nous, c’est qu’il y ait des gens qui existent à travers la 75e session sans montrer leur gueule s’ils n’ont pas envie de la montrer.
Y - Je pense que c’est même pas une question qui s’est posée à un moment, c’est-à-dire que je savais qu’ils ne se montreraient pas. Il y en a même certains, je pensais qu’ils ne parleraient pas et qui ont fait le choix de parler. À partir de ce moment là, j’étais hyper touchée de la confiance qu’ils m’accordaient. Et oui, le fait que certains ne parleraient pas ou ne se montreraient pas, c’était quelque chose d’accepté.
S - D’ailleurs ces gens, ils n’auraient jamais parlé si ce n’était pas Yveline. C’est-à-dire que s’il n’y avait pas tout le travail dont on parlait en amont, ils auraient pas parlé quoi. Donc déjà, réussir à faire parler des gens qui ne se montrent pas, c’est un boulot de titan pour moi.
Dans la majeure partie du projet, Yveline Ruaud était libre de réaliser le webdocumentaire avec sa vision de 75e Session. Elle nous parle des contraintes qu’elle s’est posée.
Capter le naturel lors du tournage a nécessité un travail d’immersion de la part de la réalisatrice. Pour Sheldon, la vision de Yveline Ruaud a permis le naturel des personnes filmées face à la caméra. Le collectif ne lui a jamais imposé de venir toutes les semaines, c’est elle qui avait cette volonté-là.
« Ce qui fait que tout ça est naturel c’est ça, c’est la vision d’une réal. » - Sheldon
Du point de vue de la réalisatrice, le fait d’être régulièrement au Dojo : à manger, à rigoler, à faire la queue pour aller à la salle de bain et à rester dormir là-bas, elle a senti que des liens de confiance se sont tissés. Le rapport à la caméra a évolué en lien étroit avec ses relations humaines, ce qui lui a permis de se fondre dans le décor lors du tournage qui a duré 1 an. Elle nous raconte le choix des plans.
Tu étais la seule à choisir les rushes ? Sheldon avait son mot à dire ?
L’histoire du collectif 75e Session a été racontée autour d’un lieu, le Dojo. Aujourd’hui, le label est entrain de faire peau neuve et occupera un nouveau studio à Paris.
Pour en savoir plus : retrouvez le webdocumentaire « 75e Session, la famille du dojo » sur YouTube ici.