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Société
21 décembre 2022
Militer pour les droits des femmes afghanes : un engagement qui ne connaît pas de frontières
La lutte féministe en Afghanistan après le retour des talibans

Depuis le retour au pouvoir des talibans en août 2021, les femmes afghanes se sont encore plus engagées pour protéger leurs droits fondamentaux. Depuis Kaboul jusqu’à Nantes, la lutte féministe est universelle. Shoukria Haidar et Geneveiève Couraud de l’association NEGAR, soutien aux femmes afghanes, nous amènent à la découverte du militantisme des femmes qui restent dans le pays taliban, de celles réfugiées à l’étranger et de leurs alliées internationales.

Réalisé par : Alice Carnevali 

CELLES QUI RESTENT : UNE RÉSISTANCE FÉMINISTE FACE AU POUVOIR TALIBAN

20 ans après leur chute et après 20 ans de guerre civile, les talibans reprennent le contrôle de la capitale afghane le 15 août 2021. La veille, le président des États-Unis, Joe Biden, avait déclaré le retrait des forces militaires américaines de l’Afghanistan. Le chaos est à l’ordre du jour. Des milliers de civiles accourent à l’aéroport. Ils n'ont aucun bagage à embarquer, aucun billet réservé : avec eux, uniquement l’espoir de fuir le retour du fondamentalisme islamique à la tête du pouvoir de leur pays.

Dans le même temps, Shoukria Haidar se trouve à Paris pour des rendez-vous de travail. Dans sa poche, un billet d’avion pour rentrer à Kaboul le 16 août, un voyage qui n’aboutira jamais. On peut considérer cela comme le destin, une coïncidence ou simplement la vie. 

Arrivée en France comme réfugiée politique en 1980, au moment de l’invasion soviétique de l’Afghanistan, Shoukria Haidar consacre sa vie au militantisme pour les droits des femmes afghanes au sein de l’association NEGAR, qu’elle crée en 1996 en France et dont elle est la présidente. Quand je l’ai rencontrée à l'occasion de la soirée-conférence sur la condition des femmes afghanes organisée par le bureau nantais de l’Espace Simone de Beauvoir, j’ai remarqué dans ses yeux une détermination contagieuse et dans sa voix une force inarrêtable. Deux caractéristiques qu’elle partage avec les militantes qui se trouvent en Afghanistan et qui se battent contre le régime des talibans. 

Rester à l’extérieur, rester visibles, c’est l’enjeu au cœur des multiples initiatives dont Shoukria Haidar parle. De l’école à la maison, les exemples de militantisme sont variés et ils démontrent que les femmes afghanes ne sont pas seulement les victimes du régime taliban, mais elles sont également son talon d’Achille. Notamment, pour faire face à la fermeture des établissements supérieurs pour les femmes, des classes clandestines continuent à se mettre en place, surtout dans les grandes villes. Il s’agit soit des cours en distanciel pour les filles qui se trouvent dans des endroits avec une connexion internet, soit des rendez-vous en présentiel chez les institutrices. Et, à présent, les talibans semblent ne pas avoir ciblé ces activités. En revanche, ils n’hésitent pas à mettre en place des réponses violentes contre les manifestations pacifiques qui se déroulent dans les rues de Kaboul. D’après les témoignages recueillis par Human Rights Watch en octobre 2022, au cours de l’année, les services de sécurité de l'État taliban ont déjà arrêté et détenu des manifestantes avec leurs familles, en frappant les participants et les journalistes sans aucune justification légitime.

 

CELLES qui fuient : militer depuis l’étranger pour les droits des femmes afghanes

À côté des efforts des militantes qui se trouvent au pays taliban, on retrouve également les actions menées par les femmes afghanes réfugiées à l’étranger comme Shoukria Haidar. Depuis la création de l’association NEGAR sous la première période talibane, l’engagement de Shoukria Haidar continue sans cesse. Depuis 1996, NEGAR essaie de sensibiliser les politiques et la société civile occidentale sur la condition des femmes afghanes. Pour cela, l’association organise des débats, des manifestations et des conférences sur le sujet, tout en récoltant de l’argent pour la création d’établissements scolaires en Afghanistan. 

Shoukria Haidar est toujours en première ligne dans ces actions et quand je lui demande comment son militantisme a évolué au fil des années, elle me répond avec la détermination et la rationalité de quelqu’un qui connait très bien ses objectifs. 

Depuis leur retour au pouvoir en août 2021, les talibans ont entrepris une stratégie de normalisation afin de recevoir une reconnaissance officielle de la part de la communauté internationale et mettre fin aux sanctions économiques. À présent, seulement le Pakistan, l’Arabie Saoudite et les Emirates Arabes ont officiellement reconnu le gouvernement taliban. Cependant, des pays comme les États-Unis ont identifié le dialogue avec les terroristes comme le seul moyen pour stabiliser le pays, en inquiétant les militantes féministes comme Shoukria Haidar, qui craignent les conséquences négatives sur la vie des femmes. 

 

Un combat universel

Mais les femmes militantes afghanes, qu'elles soient en Afghanistan ou expatriées, ne sont pas toutes seules. Au sein des réseaux associatifs comme NEGAR, des femmes de toute origine se retrouvent pour soutenir les combats qui se déroulent à plus de 7 000 kilomètres de Paris. Geneviève Couraud est parmi celles-ci. À côté de Shoukria Haidar, elle partage l’inquiétude quant à l’avenir des femmes afghanes après le retour des talibans. Engagée pendant des années au sein des plus grandes organisations françaises pour la protection des femmes, Geneviève Couraud m’explique ce qui l’a motivée à rejoindre NEGAR en apportant son soutien à une lutte qui pourrait paraître lointaine. 

“Ne nous oubliez pas”. C’est le cri des femmes afghanes qui résonne dans le cœur de celles et ceux qui se sentent touché·e·s par l’universalisme de la lutte pour les droits des femmes dont Geneviève Couraud parle. Un esprit de sororité qui ne connait ni frontières ni religions, et qui arrive à lier les participant·e·s de la soirée-conférence sur la condition des femmes afghanes organisée par l’Espace Simone de Beauvoir le 9 novembre 2022 à Nantes. 

 
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